Resilience

Résilience, Le Projet d’exposition nationale sur panneaux publicitaires

Résilience est la riposte à l’effacement du corps de la femme autochtone et à l’exclusion de son art au cours de l’histoire. Les images créées par 50 artistes des Premières Nations, inuites et métisses incarnent la multitude de connexions et de contradictions qui constituent les identités indigènes contemporaines. Dans les centres-villes ou sur les autoroutes, endroits où trop de femmes ont disparu, la présence de la femme autochtone est révélée, individualisée (au-delà des statistiques), célébrée. Ce projet est un rappel physicalisé d’histoires occultées et de perspectives contemporaines diverses. Les femmes artistes autochtones présentent leurs idées, leurs visions. Elles se représentent.

Racisme et exclusion font depuis longtemps partie intégrante de l’histoire du Canada. Dans les populations autochtones, les stratégies racistes et génocidaires ont eu les effets à long terme suivants : taux élevé de suicides, alcoolisme et toxicomanie, atrocités des pensionnats indiens, problèmes mentaux, pauvreté, contamination des terres et des eaux, violence internalisée et emprisonnement. Au-delà des célébrations du cent-cinquantenaire du Canada en 2017, Résilience est un projet charnière à ce moment précis de l’histoire de ce pays.

Cela fait trop longtemps que les femmes autochtones ont été incomprises — leur puissance mal interprétée parce qu’elle ne se conforme pas aux modèles sexuels des premiers colons —, privées du droit de vote (les Autochtones, femmes et hommes, n’ont eu le droit de voter aux élections fédérales qu’en 1960), occultées (jusqu’en 1985, elles perdent leur statut et leurs droits lorsqu’elles se marient hors de leur communauté), et, en nombres épouvantables, assassinées (selon la ministre fédérale de la Condition féminine, le nombre de femmes autochtones disparues ou assassinées pourrait être de 4 000 dans ce pays). En outre, les expériences des femmes autochtones dans les centres urbains ont été très dénaturées ou entièrement passées sous silence.

Qu’est-ce qu’on entend par résilience?

La plupart du temps, la définition de résilience se résume à la capacité à surmonter l’adversité et composer avec. Par contre, dans le discours autochtone, la résilience fait souvent référence à la capacité à surmonter les impacts antagonistes durables du colonialisme. Dans un essai majeur, l’historienne de l’art autochtone Jolene Rickard affirme que :

Dans le cadre d’une stratégie continue de survie, les œuvres des artistes autochtones doivent être appréhendées à la lumière des concepts de la souveraineté et de l’autodétermination, et non pas uniquement sous l’angle de l’assimilation, de la colonialisation et des problèmes relatifs à l’affirmation de l’identité.*

Toutefois, bien avant l’invasion du continent par les Européens, la résilience était un principe central du savoir traditionnel et des pratiques coutumières autochtones, et l’est encore. Ainsi, dans la langue Kanien'kehá : ka (Mohawk), le mot yakaonnhahniron doit se comprendre comme « ils ont des vies — ils perdurent. » Il définit l’adaptabilité à long terme des cultures autochtones aux changements sociaux et environnementaux.†

L’exposition sur panneaux publicitaires Résilience est une réponse à l’appel à l’action 79 du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation qui est d’intégrer « l’histoire, les valeurs patrimoniales et les pratiques de la mémoire autochtones au patrimoine et à l’histoire du Canada. » L’appel à l’action appuie l’établissement, en collaboration avec les organisations autochtones et les membres de la communauté artistique, d’un cadre de travail se rapportant à la réconciliation pour les besoins du patrimoine canadien et les activités de réconciliation. Ce projet est la réponse de MAWA (Mentoring Artists for Women's Art) à cet appel : un acte créateur de réconciliation et une célébration et commémoration publique de l’œuvre des femmes autochtones qui sont encore largement sousreprésentées, non seulement dans des postes de pouvoir en politique et en économie, mais aussi dans les arts.

Le panneau est un puissant outil pour rejoindre un public nombreux et varié. Selon la Arbitron National In-Car Study édition 2009, les gens remarquent les affichages extérieurs, se rappellent le message et y sont sensibles.‡ Dans les grands centres urbains, automobilistes, usagers des transports en commun, cyclistes ou piétons peuvent voir l’image à maintes reprises. Le panneau jouit d’une visibilité incontournable et, lorsqu’il occupe une position stratégique dans un centre-ville, il peut attirer le regard de milliers de personnes par jour. C’est essentiel pour ce projet; c’est essentiel que tout le Canada participe au dialogue public national sur la réconciliation.

Les affiches de cette exposition nous incitent à repenser et reformuler le sens étroit de résilience que nous donnent les dictionnaires. Pour ces femmes artistes autochtones, la résilience est endurance, adaptabilité et souveraineté par rapport aux pratiques culturelles coutumières, aux identités contemporaines, à la terre et à l’impact des pratiques et stratégies coloniales.

Les techniques qu’elles utilisent et les objectifs qu’elles se définissent sont aussi complexes et divers que les artistes elles-mêmes. Ce grand projet pluraliste pancanadien envisage les relations qu’entretiennent les femmes autochtones avec la terre, le lieu, les pratiques coutumières et les problèmes actuels. Il ouvre de nouvelles perspectives sur des histoires, des idées et des lieux inexplorés et souvent négligés. Les œuvres reflètent le chevauchement en constante évolution des pratiques contemporaines et coutumières. Ensemble, elles rappellent le passé, expliquent le présent et invoquent le futur, tel que le conçoit chaque artiste.

* Jolene Rickard, « Sovereignty : A Line in the Sand, » Aperture 139 (été 1995) : 51.

† Niawen’kó : wa (Un grand merci) à David Kanatawakhon-Maracle qui m’a aidée avec le mohawk.

‡ Steve Olenski, « Arbitron National In-Car Study, » Forbes Magazine, 10 octobre 2011, https://www.forbes.com.